

« Ecrire est un acte d’amour. S’il ne l’est pas, il n’est qu’écriture ». Tel un phare dans la nuit, ces quelques mots soufflés par Jean Cocteau guident mes pas depuis de nombreuses lunes. Ils reflètent une intention, et même, un engagement dans l’écrit. Longtemps, les mots m’ont semblé dérisoires. Comment quelques simples traits d’encre pourraient-ils suffire à prendre soin ?
J’admirais les curanderas, celles qui écoutent la Forêt et se laissent enseigner. Quelques herbes savamment assemblées pour calmer un corps douloureux, des doigts habiles apaisant la souffrance et les peurs de la femme qui enfante, une prière accompagnant un passage d’un cycle à un autre…
Tout comme j’aimais cette manière qu’ont les abuelas de nous transmettre les savoirs des anciens l’air de rien : une histoire contée au coin du feu, une cueillette d’été dans les champs alentours, quelques châtaignes glanées dans les bois à l’automne venu. Des mains ridées par l’empreinte du temps répétant inlassablement les mêmes gestes pour veiller un être humain, un foyer.


Curanderas et abuelas venues d’un lointain ailleurs, guérisseuses et grands-mères de nos terres d’ici, gardiennes des traditions portant en elles l’art de guérir les cœurs et les corps. Elles sont Celles qui Savent, mais elles pansent le Monde en silence.
On m’avait murmuré dans un souffle que le Verbe était ce qui m’avait été donné pour prendre soin. Je n’avais pas voulu entendre : comment les mots pouvaient-ils être assez ? Alors, j’ai cherché. Jusqu’à ce que ma peau hurle car j’avais persisté dans une voie qui n’était pas la mienne.
Trois années de tâtonnements et quelques leçons d’humilité plus tard, je commençais à comprendre que mes pas me ramenaient sans cesse aux mots. Pourtant, je les voyais toujours comme de simples traits d’encre jetés sur le papier. Alors, j’ai cherché. Encore. En 2023, je me suis offert un voyage d’un an au cœur de l’extraordinaire du corps féminin auprès de Rites de Femmes et de Terra Samambaïa, avant de suivre la voie des plantes aux côtés de La Cueilleuse Sauvage.
J’ai savouré chacune de ces transmissions, sans trop savoir comment rendre ce qui m’avait été donné. Sur ce chemin, j’avais oublié que, telles des plantes, ces enseignements que l’on reçoit demandent à germer d’abord sous la terre pour pouvoir fleurir aux yeux du Monde. Car c’est de cette danse sensible inhérente au Vivant que l’alchimie naît : tout mouvement puise sa source dans l’intime avant de se manifester dans l’universel.
Et puis un jour, j’ai accepté : je suis de celles qui couchent les pensées par milliers sur le papier. J’écris. Du printemps à l’automne et de l’hiver à l’été. A l’aube comme au crépuscule. J’écris des mots venus du creux du ventre, nourris par mon vécu, parfois infusés de plantes et de symboles. Des mots gorgés d’amour, toujours. Saison après saison, je sème mes mots comme autant d’empreintes laissées au gré de ma traversée d’humaine.
Loin de simplement penser le Monde, ils m’offrent de panser l’Être. Si je ne peux apaiser les maux de la Terre de ma seule plume, au moins puis-je lui insuffler un peu de tendresse… Aujourd’hui, c’est ma manière de prendre part au Monde de Celles qui Veillent.

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